Fréquence des interactions médicamenteuses chez les personnes vivant avec le VIH dans l’Etude Suisse de cohorte VIH à l’ère des inhibiteurs de l’intégrase. Clinical Infectious Diseases
Nous avons démontré dans une précédente étude de l’Etude Suisse de cohorte VIH (SHCS) que la fréquence des interactions médicamenteuses avec les traitements antirétroviraux est élevée. L’étude avait été réalisée en 2008 lorsque les inhibiteurs de la protéase, l’éfavirenz et la névirapine étaient parmi les traitements de première ligne. Ces médicaments antirétroviraux ont un fort potentiel d’interactions médicamenteuses en raison de leur propriétés inhibitrices (réduction de l’activité) ou inductrices (augmentation de l’activité) des enzymes qui métabolisent les médicaments. Les traitements antirétroviraux ont considérablement évolué au cours de ces dernières années avec la mise sur le marché des inhibiteurs de l’intégrase non boostés (non renforcés pharmacologiquement) qui font partie aujourd’hui des traitements de première ligne et qui présentent l’avantage d’avoir un faible risque d’interactions médicamenteuses.
Le but de cette étude était d’évaluer la fréquence des interactions médicamenteuses en 2018, à l’ère des inhibiteurs de l’intégrase, et de la comparer avec notre précédente étude réalisée en 2008.
Cette étude observationnelle a inclus 9’298 participants, pour la plupart des hommes (72%) avec un âge moyen de 51 ans. Les inhibiteurs de l’intégrase non boostés étaient utilisés chez 40% des participants, alors que 60% recevaient des traitements antirétroviraux susceptibles de causer des interactions médicamenteuses. En considérant l’ensemble des participants de la SHCS, 29% avaient >1 interaction potentiellement significative d’un point de vue clinique. En considérant seulement les participants recevant une co-médication (68% de l’ensemble de la SHCS), la fréquence des interactions médicamenteuses potentiellement relevantes était de 43% en 2018, alors qu’elle était de 59% en 2008. En comparaison avec 2008, un nombre moins important de participants recevaient un inhibiteur boosté de la protéase (-24%) ou un traitement incluant l’éfavirenz ou la névirapine (-13%). En revanche, l’utilisation de co-médications était plus importante en 2018, probablement lié au vieillissement de la population.
Cette étude montre que la fréquence d’interactions médicamenteuses a diminué en 2018 par rapport à 2008 avec l’utilisation d’inhibiteurs de l’intégrase non boostés. Cependant la diminution s’est avérée moins importante que ce qui avait été anticipé. Cette observation s’explique par le fait qu’une large proportion des participants reçoit encore des traitements antirétroviraux susceptibles d’interagir et également par l’augmentation du nombre de co-médications en raison du vieillissement de la population.